Si l'on retourne son iPhone, on peut lire la mention suivante : « Designed in California, assembled in China ». Mais la réalité de la chaîne de fabrication et de diffusion de
l'iPhone est bien plus complexe.
En effet, sa production rend interdépendants une diversité d'acteurs et de territoires. L'iPhone est le « téléphone intelligent » ou smartphone, c'est-à-dire un appareil basé sur
le couplage téléphonie mobile et internet, commercialisé par Apple, multinationale américaine. Il est commercialisé depuis 2007. Il s'inscrit dans une gamme de produit de haute-technologie de la
firme (tablette iPad, lecteur multimédia iPod, ordinateur Macbook, etc) et fonctionne en lien avec des services en ligne sur l'internet (iTune, Appstore, iBookstore, …). L'iPhone fonctionne grâce
à une interface composée d'applications qui le rendent multifonctionnel. L'iPhone est un appareil qui permet de connecter les lieux et les sociétés du monde entier à plusieurs titres. Il
bénéficie d'une diffusion mondiale massive. Les différentes étapes de son cycle de vie (de la conception à la consommation) révèle la complexité des liens économiques qui unissent différentes
parties du monde. L'iPhone participe donc à la construction territoriale du monde et à la hiérarchisation des territoires qu'implique la mondialisation, c'est-à-dire cet ensemble de processus qui
renforcent l'interdépendance des lieux, des économies et des sociétés à l'échelle de la planète.
(délimitation : échelle mondiale) : Notre analyse portera essentiellement sur l'échelle mondiale. Mais grâce au phénomène d’emboîtement des échelles, nous pourrons montrer les
implications à des échelles infra.
En quoi l'iPhone est-il un produit reflétant le fonctionnement de la mondialisation et sa territorialisation ?
Dans un premier temps, nous verrons en quoi les étapes de production de l'iPhone l'inscrivent pleinement dans la mondialisation. Puis nous en analyserons les acteurs à différents niveaux et avec
des stratégies adverses. Dans un dernier temps, nous montrerons en quoi ils participe à la réticulation et à la
hiérarchisation des territoires du Monde.
TRACE ECRITE 1
I- L'iPhone est une production inscrite dans la mondialisation
L'iPhone résulte d'un système productif
mondialisé : conception américaine (A), production multicontinentale (B), diffusion mondiale (C). Les unités du processus d'innovation, de production et de diffusion du téléphone sont
réparties sur les territoires du monde entier.
A- Une innovation californienne
A l'origine, l'iPhone a été conçu au sein de la Silicon Valley, aux Etats-Unis.
La Silicon Valley est un territoire de l'innovation, c'est-à-dire un territoire
aménagé par des secteurs variés (entreprises, laboratoires de recherche et universités) qui veulent créer un réseau d'activités économiques tournés vers la performance. Le siège social de
l'entreprise y est basé.
Le centre de recherche et développement initial est complété par un deuxième en Caroline du Nord. C'est dans ces deux
lieux que sont mises au point les nouvelles versions améliorées du produit.
L'ancrage américain de la firme est complété par l'implantation new-yorkaise de la division marketing et publicité de
la marque.
B- Une production multicontinentale
L'iPhone est aujourd'hui produit et monté grâce à des opérations ayant lieu sur des territoires différents disséminés sur
quatre continents. La production implique des pays appartenant aux « Nords » comme aux « Suds ».
Les matières premières de l'iPhone proviennent d'Afrique équatoriale (étain, coltan,
tantale), de Chine et de Mongolie (terres rares)
Les pièces sont produites en Europe de l'Ouest (Allemagne, France, Italie), en Asie de l'Est (Corée, Japon, Taïwan) et
depuis 2014 en Amérique du Nord (Etats-Unis, Arizona).
Le tout est ensuite assemblé dans des usines en Chine et au Brésil par deux firmes taïwanaises : Foxconn est présente à
Shenzen, Chengdu, Wuhan et Sao Paulo. Pegatron est implantée à Shanghai. La raison de cette délocalisation ne tient pas tant dans les coûts de production mais dans la flexibilité et la réactivité
des sous-traitants chinois et brésiliens.
C- Une diffusion mondiale
L'iPhone est diffusé ensuite dans le monde entier.
Tous les continents sont concernés, même si l'essentiel des ventes se fait dans les pays de la Triade (qui garde ici sa
pertinence). Apple tente aujourd'hui de conquérir les marchés des pays émergents (Chine, Afrique du Sud, Brésil)
Les téléphones sont transportées dans des conteneurs et empruntent les grandes routes maritimes mondiales.
En 2014, 125 millions d'unités ont été écoulées. Les ventes de lancement sont spectaculaires avec des files d'attente
géantes devant les Apple stores. Elles sont largement relayées par les médias.
ACTIVITE 1
Consigne : complétez la 1ère partie de la légende du schéma
TRACE ECRITE 2
Transition : Le fonctionnement d'un tel système productif mondialisé nécessite la mobilisation d'une grande diversité d'acteurs économiques mais aussi
non-économiques.
II- La filière de l'iPhone mobilise une diversité d'acteurs
La filière de l'iPhone mobilise une diversité d'acteurs. Ils peuvent être des figures individuelles comme le
dirigeants d'Apple (A). Ce sont aussi l'ensemble des travailleurs de la filière des ingénieurs de la maison mère aux ouvriers des sous-traitants (B). Les ONG et les médias jouent également un
grand rôle (C).
A- Steve Jobs et Tim Cook, figures individuelles de la mondialisation économique
Steve Jobs et, dans une moindre mesure, Tim Cook, tout deux dirigeants d'Apple, sont des figures individuelles de la
mondialisation économique. Steve Jobs (1995-2011) est le dirigeant qui a permis à Apple de prendre son essor économique. Mort en 2011, il a confié les rênes de l'entreprise à Tim Cook.
Ce sont des acteurs de la mondialisation parce qu'ils sont :
les inventeurs de produits assemblés et vendus par les réseaux de la mondialisation tels que l'iMac, l'iPod, iTunes, iPhone, l'iPad, l'Apple Watchle.
des hommes d'affaires puissants : Jobs a été homme d'affaire le plus puissant selon le magazine Fortune en 2010. Il était chef d'entreprise d'Apple et membre du conseil
d'administration de Disney (il avait acheté en 1986 des parts de Lucas Film, devenu Pixar, qui a été racheté par Disney en 2006). Cook est aujourd'hui à la tête d'une des plus grandes
capitalisations boursières de la planète.
Jobs a été le fondateur de la firme multinationale Apple avec Steve Worzniak et Ronald Wayne en 1976.
A la différence de Cook, Jobs est également une icône forte de la mondialisation car :
il est connu à l'échelle mondiale en particulier grâce à ses shows de lancement commercial qui étaient devenus des
grands-messes médiatiques mondiales
il est le créateur d'une image de marque exigeante caractérisée par une culture du secret, une esthétique sobre et
une avance technologique dans le domaine du micro-informatique. Les publicités Apple joue sur trois tableaux un « avant-gardisme social », une « utilité
révolutionnaire », « un design élégant ». Les produits Apple sont commercialisés dans des magasins spécialisés, les Apple stores. Lorsqu'ils sont vendus dans des commerces
de vente au détail, les produits sont présentés dans des stands à part des autres marques, selon une mise en scène dictée par Apple. L'objectif du marketing d'Apple est de donner le
sentiment aux consommateurs d'appartenir à une communauté de privilégiés adhérents à un ensemble de valeurs.
il était et reste l'incarnation de l'entrepreneur génial capitaliste : son aura était telle qu'à sa mort, des
analystes ont douté de la capacité d'Apple à continuer ses performances. Les hommages ont afflué du monde entier, y compris du monde politique. En 2011, la première statue de bronze de
Steve Jobs a été érigée au Science Parc de Budapest.
B- Les travailleurs de la téléphonie mobile,
acteurs d'un marché mondialisé
La fabrication de l'iPhone nécessite de mobiliser trois grands types de travailleurs : les employés d'Apple, les
sous-traitants d'Apple et les concurrents d'Apple.
Apple emploie d'abord directement deshommeset des femmes. Ce sont surtout des ingénieurs et des cadres en charge de
la direction, la conception, l'organisation et la commercialisation. C'est à ce niveau que l'intégration verticale de l'entreprise est pilotée : il s'agit de contrôler toutes les étapes
du processus de fabrication, de conception et de commercialisation du produit à partir d'un seul territoire de direction, ici en l'occurrence les Etats-Unis.
La fabrication est ensuite dévolue à des entreprises
sous-traitantes selon la logique de la « nouvelle division internationale du travail » qui exploite les différentiels du marché de l'emploi. Toute la production matérielle est donc
externalisée. La main d’œuvre est moins chère et mois protégée par des normes sociales et environnementales. Cette main d’œuvre ne travaille qu'indirectement pour Apple. Ce dernier n'est donc pas
juridiquement responsable de leurs conditions de travail, mais seulement éthiquement : c'est la théorie du « branding » (gestion de la marque) qu'affectionnait Jobs.
Les concurrents d'Apple participent d'une certaine manière à la conception de l'iPhone car ils stimulent l'innovation. Des
firmes comme Samsung ou Nokia obligent par le jeu de la concurrence à améliorer les fonctionnalités de l'appareil, à susciter de nouveaux besoins chez les clients et à proposer un prix compétitif
et adapté à de nouveaux marchés, comme celui des pays émergents.
C- Les ONG et les médias, éclaireurs et déclencheurs mondiaux
Les ONG et les médias sont des éclaireurs et des déclencheurs mondiaux sur la production de l'iPhone.
Les ONG sont des lanceurs d'alerte à l'échelle mondiale. Elles ont critiqué la responsabilité d'Apple sur 4 plans : la
responsabilité sociale, la responsabilité environnementale, la responsabilité géopolitique, la responsabilité culturelle.
Sur le plan social, elles ont mis au jour les conditions de travail extrêmes imposées aux travailleurs dans les usines sous-traitantes de la marque qui cherchent un moins-disant
social et salarial pour remporter les contrats avec Apple. Elles ont dévoilé que des enfants étaient (sont?) embauchés dans les usines en Chine, que le taux de suicide y est important,
que le turn-over mensuel approche les 10 %, que les logements sont précaires et les salaires misérables (un peu plus de 150 euros par mois pour 12h de travail par jour, 6 jours par
semaine). China Labor Watch (CLC) est l'ONG la plus active dans l'opposition au système Apple. C'est une ONG américaine, basée à New York, et fondée en 2010 par un activiste chinois, Li
Qiang. Elle milite pour une redistribution plus juste des richesses aux travailleurs chinois dans le contexte de la mondialisation.
Sur le plan environnemental, l'ONG écologiste Greenpeace a analysé les composants de l'iPhone en 2007 en montrant qu'il contenait bien plus de substances toxiques que ceux des
concurrents d'Apple. Des associations dénoncent aussi la stratégie dite de « l'obsolescence programmée ». Apple contrôle la durée de vie de l'iPhone en rendant obsolètes les
batteries, les pièces de rechange ou le système des mises à jour, obligeant les clients à acheter la nouvelle version de l'appareil.
Sur le plan géopolitique, l'implication indirecte d'Apple dans le conflit du Kivu en République Démocratique du Congo est critiquée. En tant qu'acheteur de matières premières, Apple
finance indirectement les bandes armées dans la région.
Sur le plan culturel, Apple est dénoncé par les altermondialistes pour l'uniformisation culturelle du monde que la diffusion de l'iPhone et de ses fonctionnalités induisent. Elle est
vue comme un exemple des méfaits des FTN, acteurs majeurs du néolibéralisme capitaliste.
Les médias ont un double rôle.
Ils se font le relais des alertes des ONG. Ils fonctionnent comme des vecteurs d'informations de l'éthique du processus de fabrication de l'iPhone. Ils ont en particulier rendu public
une vague de suicide dans l'usine de Foxconn en 2010, ce qui a mis en lumière l'ensemble des conditions de travail précaires.
Mais c'est aussi grâce aux médias que la publicité pour les lancements de produits Apple est facilitée : les grands shows du PDG sont relayés dans le monde entier.
Apple, très soucieuse de préserver son image de marque et par peur de perdre des client, a assuré qu'elle n'était pas au courant de ces pratiques. Elle a
multiplié les audits et les visites de terrains. Elle a annoncé qu'elle allait rompre toute collaboration avec les sous-traitants qui ne respectent pas des normessociales et salariales minimales. Pourtant il semble que la situation ne soit pas améliorée selon un rapport en 2013 de CLC.
Reportage de France 2 sur les conditions de travail dans l'usine Foxconn de Shenzen, qui assemble les iPhone pour Apple. La firme n'est pas responsable juridiquement des conditions de travail des
employés.
Clip vidéo de l'ONG Greenpeace dénonçant les conséquences environnementales de la présence de matières premières polluantes dans l'iPhone. Le clip date de 2007. Depuis Apple s'est amélioré.
ACTIVITE 2
Consigne : complétez la 2e partie de la légende du schéma
TRACE ECRITE 3
Transition : La mobilisation d'acteurs aussi dispersés de par le monde nécessite un fonctionnement en réseaux.
III- Le marché mondial de l'iPhone façonne les
territoires du Monde
Le marché mondial de l'iPhone façonne les territoires du monde. Il génère de nombreux flux qui circulent sur des
réseaux (A). Ce fonctionnement a pour conséquence de hiérarchiser les territoires à plusieurs échelles (B). Mais l'iPhone participe aussi à la création de territoires mondialisés (C).
A- Un cycle de vie articulé à une multitude de réseaux
Le marché mondial de l'iPhone fonctionne en réseaux car il génère de nombreux flux, aussi bien matériels qu'immatériels, qui
connectent des nœuds.
Les flux de décisions connectent le siège social d'Apple californien aux diverses unités de
conception et de production réparties dans le monde (flux immatériel).
La production nécessite des flux de matières premières, puis de pièces détachées pour relier les mines aux usines (flux
matériel).
Les points de vente sont ensuite approvisionnés de produits finis via la voie aérienne par avion-cargo (pendant les trois
semaines suivant le lancement du produit pour approvisionner rapidement), puis par porte-conteneurs en empruntant les grandes routes maritimes. Les camions prennent le relais aux plateformes
multimodales que sont les grands ports ou les aéroports internationaux (flux matériel).
L'iPhone est distribué dans les foyers individuels (flux matériel) avant d'emprunter les circuits de recyclage (flux
matériel).
La connexion au web ou aux réseaux de téléphonie mobile participent également à la réticulation mondiale (flux immatériel).
B- Des territoires hiérarchisés par
l'iPhone
Le marché mondial de l'iPhone participe à la hiérarchisation des territoires dans la mondialisation. Chaque stade de la
production ou de la commercialisation est lié à un ou des territoires qui n'en retire pas un égal profit.
Globalement, on constate une tripartition entre les lieux de commercialisation concentrés dans la Triade (Amérique du Nord,
Europe, Japon), les territoires de production à bas coût dans les pays émergents et les territoires des matières premières dans les Pays les Moins Avancés (PMA).
Néanmoins, ce découpage est à nuancer : les pays émergents, en cours d'intégration à la mondialisation, voient leur consommation d'iPhone grandir
rapidement. Apple a d'ailleurs créer des versions de l'iPhone moins chères pour eux : l'iPhone 5C, dérivé de l'iPhone 5S.
Les pays en développement ou les moins avancés (PMA), encore mal reliés aux réseaux mondialisés, ont une population dont le pouvoir d'achat permet rarement de s'offrir de tels
appareils mais dont la croissance de la téléphonie mobile est la plus forte.
A plus grande échelle, on constate que l'iPhone est avant tout un produit urbain. La répartition des points de vente des iPhone reproduit en général assez bien
la hiérarchie urbaine des pays.
C- Des territoires mondialisés par l'iPhone
L'iPhone participe également à construire des territoires mondialisés.
Les Apple Stores se trouvent ainsi uniquement dans les grandes métropoles mondiales. Ils sont des lieux typiques de la mondialisation comme peuvent l'être les
malls ou les grands aéroports. Ils font partie de ce que Michel Lussault appelle les « dispositifs-Monde », des lieux qui forgent une mondialité, c'est-à-dire une manière d'habiter
un Monde unifié.
La diffusion de l'iPhone participe à l'homogénéisation des modes de consommation. L'iPhone participe largement aux flux massifs qui lient les villes via les
réseaux de communication.
L'iPhone transite également par les plus grands aéroports internationaux où beaucoup de touristes mais aussi d'hommes d'affaires l'utilisent pour communiquer
ou décider.
ACTIVITE 3
Consigne : complétez la 3e partie de la légende du schéma
Conclusion
En conclusion, l'iPhone reflète donc bien la mondialisation car toutes les étapes de son élaboration et de sa diffusion révèlent l'intégration des acteurs économiques mondiaux les plus divers et
la complexité des liens économiques qui unissent différentes parties du monde. L'iPhone est conçu aux Etats-Unis, produit et assemblé en Afrique, en Europe, en Asie et en Amérique et fait l'objet
d'une diffusion massive sur les marchés du monde. Cela nécessite la mobilisation d'une filière complexe exploitant les différentiels du marché de l'emploi (DIT), stratégie pensée et organisée par
Steve Jobs, puis Tim Cook, figures individuelles de la mondialisation, mais dont les ressorts éthiques sont parfois dénoncées. Il en résulte un fonctionnement en réseaux qui révèle les inégalités
entre espaces à différentes échelles mais également la capacité du produit à construire des lieux mondialisés.
Néanmoins, l'iPhone n'a pas seulement un impact à l'échelle mondial. Il modifie aussi notre rapport individuel à l'espace et au temps. En poursuivant l'analyse à une échelle très fine, celle
micro-locale des lieux de vie et des circuits quotidiens, on se rendrait compte des mutations des pratiques des lieux qu'il induit.